Petite histoire illustrée du drapeau grec

* Ce texte n’est pas un article mais la simple mise en ligne / reformulation de notes datant du début des années 2000, une première approche du sujet – certaines sources ne sont pas citées.

 

drapeau-grec Le drapeau actuel de la République hellénique. La croix grecque, en haut à gauche. Et les neuf bandes. Chacune constituerait une syllabe de la devise de la Grèce : é-léf-thé-rI-a-i-thA-na-tos (la liberté ou la mort).

 

Les premiers drapeaux officiels de la nation grecque datent de la période du grand soulèvement grec contre le pouvoir ottoman, entre 1821 et 1829.

Les Grecs nomment cette période « La Révolution » – « I épanAstassi » -, et non « la guerre d’indépendance » comme on le traduit en français. (cf note 1)

La « Révolution grecque » se transforma en véritable guerre d’indépendance du peuple grec, en guerre de reconquête et d’unification, pour chercher à libérer du joug ottoman les territoires peuplés de Grecs, en les regroupant au sein d’un Etat national unifié.

Selon certains chercheurs, la « révolution grecque » avait aussi une dimension sociale, qui n’a jamais été menée jusqu’au bout. (cf note 2)

Ce projet d’unification des Grecs au sein d’un même état ne put aboutir que partiellement, mais il constitue le fondement de l’histoire grecque moderne et de l’Etat grec.

Avant même la création de cet Etat, il n’y eut pas un, mais plusieurs drapeaux grecs.

Nombreuses sont d’ailleurs les théories qui s’affrontent quant à l’origine de tel ou tel étendard.

Toutes sortes de symboles ou d’étendards de chefs de guerre grecs se côtoient alors.

La croix – souvent « grecque » c’est à dire dotée de quatre branches égales – fut, en revanche, présente sur toutes les versions.

Les drapeaux des « Klèftès » (combattants de type « guérilléros » qualifiés de « bandits » par les Turcs ottomans) et des « Armatoli » * comportaient des croix, des aigles bicéphales, des représentations de Saint Georges (Saint des guerriers dans la tradition orthodoxe), et diverses inscriptions, sous diverses couleurs. D’autres, comme l’étendard de MavromichAlis, combattant et compagnon du célèbre guerrier KolokotrOnis, arboraient déjà une croix blanche sur fond bleu.

* Armatoli : combattants orthodoxes grecs, à l’origine sortes de mercenaires à la solde des Turcs ottomans et des « kodjabashis » ; ils furent d’abord chargés de maintenir l’ordre dans les régions grecques que le pouvoir ne contrôlait qu’avec difficulté ;  ils  se retournèrent ensuite contre l’Empire.

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Etendard de Tzanétakis, chef de guerre dans le Péloponnèse.

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Drapeau de la société secrète qui se chargea d’inspirer et de promouvoir la « Révolution » grecque. Conservé au Musée national de Grèce

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« Un Grec arborant son étendard sur les murs de Salone. » Oeuvre de Louis Dupré.

Le drapeau arboré par ce combattant de la guerre d’indépendance grecque (ci-dessus), immortalisé par le peintre français Dupré, a existé. Il s’agit en quelque sorte du premier drapeau officiel de la nation grecque, avant le drapeau bleu et blanc.

Officiel, car il figurait dans le règlement militaire établi par YpsilAntis, chef de la « société amicale », l’organisation à l’origine de la guerre d’indépendance grecque. Ce drapeau se compose de trois bandes horizontales de couleur différente. Ces couleurs sont le noir, le blanc, et le rouge.

Le règlement militaire en question, datant du 31 décembre 1820, précisait que le noir symbolise la mort pour la liberté, le blanc la pureté du juste combat contre la tyrannie, et le rouge la souveraineté du peuple grec et sa « joie de combattre pour la résurrection de la patrie ».

Cet étendard porte sur une face, au centre, une croix grecque avec l’inscription « TOUto nikA » et sur l’autre face le palmier légendaire avec l’inscription « je renais de mes cendres » (comme le Phénix, oiseau mythique de la mythologie et dont le nom était presque identique, en grec, au mot désignant le palmier; le Phénix fut également utilisé par les premiers Chrétiens pour symboliser la résurrection).

« TOUto nikA » signifie en fait que la croix, et donc la foi, ne peuvent que vaincre. En soi la révolte grecque contre le colossal Empire ottoman, supposait en effet une certaine audace.

Ce drapeau fut par la suite abandonné au profit du drapeau bleu et blanc, dont les couleurs furent adoptées à l’assemblée d’Epidaure en 1822, mais qui était déjà arboré par de nombreux combattants bien avant cette date.

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Le drapeau des volontaires chypriotes. Conservé au Musée historique national d’Athènes. Très similaire à celui des volontaires de Macédoine centrale.

Ce drapeau fut celui des volontaires Grecs chypriotes partis combattre en Hellade aux côtés des Grecs de Grèce, pendant la période 1821-1829. Il porte l’inscription, en haut à gauche : « Drapeau grec Patrie de Chypre » (EllinikI siméa pAtris kYprou – le « ou » de « kyprou » y est écrit en caractères « byzantins », le ypsilon au dessus du omicron) retranscrite phonétiquement.

La croix est bleue sur un fond blanc.

Le pavillon qui flottait sur le navire du marin Andréas Miaoulis, combattant de la guerre d’indépendance grecque.

Le pavillon qui flottait sur le navire du marin Andréas Miaoulis, combattant de la guerre d’indépendance grecque.

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Le pavillon qui flottait sue le navire du marin Kostandinos Kanaris, combattant de la guerre d’indépendance grecque.

Dès janvier 1822, les indépendantistes grecs se réunirent à Epidaure et adoptèrent une sorte de charte constitutionnelle intitulée « administration provisoire de la Grèce » dont l’ article 105 (ρδ΄) disposait déjà:
« les couleurs du symbole national et des drapeaux naval et terrestre sont : le bleu et le blanc. »

(cf page 11 du fichier pdf mis en ligne sur le site du parlement grec : http://www.hellenicparliament.gr/UserFiles/f3c70a23-7696-49db-9148-f24dce6a27c8/syn06.pdf)

Il était fait référence aux forces grecques navales et terrestres luttant contre l’Empire ottoman, et qui étaient en cours d’organisation.

Le 15 mars 1822 dans une ordonnance n°540 signée à Corinthe, Alexandre Mavrocordatos, chef de l’exécutif, précisait les caractéristiques du drapeau : le drapeau des forces terrestres sera sur fond bleu, marqué d’une croix blanche en son centre. Le drapeau des forces maritimes comportera une croix blanche sur fond bleu en haut à gauche, et neuf bandes bleu et blanc. Le drapeau actuel de la Grèce est en fait celui des forces maritimes de la lutte de 1821-1829. D’autres textes entreront en vigueur par la suite à ce sujet.

Une thèse a vu le jour, selon laquelle les couleurs du drapeau grec actuel viendraient des couleurs du drapeau bavarois (constitué d’un damier aux cases bleues et blanches) au motif que le premier roi de la Grèce moderne, installé par le traité de Londres en 1833, était bavarois. Pourtant l’assemblée d’Epidaure date de 1822 et de nombreux chefs de guerre grecs arboraient ces couleurs encore bien avant.  En revanche, entre 1833 et 1862, sous le règne d’Othon 1er, une couronne surmontant les armoiries bavaroises, d’un bleu plus clair que les couleurs grecques, sera placée au centre de la croix, sur le drapeau.

La Grèce en tant qu’Etat connut finalement deux principaux drapeaux:

Le drapeau à croix blanche sur fond bleu, (avec quelques ajouts selon le régime en place – la couronne de la Monarchie ayant été ôtée du drapeau en 1967 par la junte des Colonels) :

premier-drapeau

Puis le drapeau orné de la croix grecque et des neuf branches, le drapeau « maritime » (adopté en 1969 sous le régime des colonels avec un bleu légèrement plus foncé que le drapeau actuel, drapeau confirmé, dans une teinte plus claire, en 1975 par la loi 48/1975 et l’ordonnance présidentielle 515/1975, tandis que toutes les précédentes lois et textes sur les drapeaux ont été abolis officiellement par la loi n°851 «Περί της Εθνικής Σημαίας, των Πολεμικών Σημαιών και του Διακριτικού Σήματος του Προέδρου της Δημοκρατίας» – ΦΕΚ 233, τ. Α/21-12-1978, σ.σ. 2250-2252). C’est le drapeau en vigueur :

drapeau-grec

Les origines médiévales du drapeau grec

On retrouve les principaux symboles du drapeau grec moderne dès l’Empire romain d’Orient, à savoir principalement la croix grecque.

drapeau-byzantin

Le « khi » (X) derrière la croix et le « R » (P) constituent le « chrisme » et proviennent des deux premières lettres de « KhristOs » (le Christ). Le chrisme est également utilisé dans la symbolique de l’Eglise catholique romaine.

Des témoignages écrits laissent à penser que dès l’Empire romain d’Orient (Empire byzantin), des étendards présentant une croix et ornés de bandes de couleur alignées les unes sous les autres étaient utilisés (voir par exemple  les textes dont l’identification de l’auteur est désormais controversée republiés au 19ème siècle par Ιmmanuel Bekker  « Codini Curopalatae De Officialibus Palatii Cpolitani et de officiis Magnae Ecclesiae Liber », Bonn 1889 -΄΄Σοφώτατου Κουροπαλάτου΄΄ pages 47 et s, ΄΄Περί Οφφικιαλιων του Παλατιου Κωνσταντινουπόλεως και των Οφφικίων της Μεγάλης Εκκλησίας και πρώτον περι των οφφικίων της Μεγάλης Εκκλησίας »  1889).

* Autres symboles :

drapeaustgeorge

L’étendard du combattant Ilias Bisbinis, conservé au Musée historique national d’Athènes

Saint Georges, dans la tradition orthodoxe, est le saint des guerriers. 

Officier dans l’armée romaine, né d’un père grec de Cappadoce, il fut martyrisé pour sa foi chrétienne.

Il figurait sur les étendards de l’Empire romain d’Orient et, du temps de l’Empire ottoman, sur les étendards des Spahis Grecs, autres mercenaires des Ottomans jusqu’à leur suppression et leur anéantissement par le Sultan Mouradh IV, qui se méfiait de leur prestige militaire acquis sur les frontières orientales de l’Empire.

Saint-Georges n’est pas un symbole officiel de l’Etat grec mais il se retrouve aujourd’hui sur le drapeau de combat de l’armée grecque.

Celui-ci est carré et comprend, sur fond bleu, la croix grecque blanche ornée en son centre d’une représentation de Saint-Georges terrassant le dragon, le Saint des combattants grecs depuis la conversion des Grecs au christianisme ; l’Arès des Grecs modernes en quelque sorte:

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Le drapeau de combat de l’armée grecque

A titre indicatif, de nombreuses versions des différents drapeaux employés avant ou après la proclamation de l’indépendance de la Grèce sont disponibles sur cet article de Αλέξανδρος-Μιχαήλ Χατζηλύρας ΄΄Η Ελληνική Σημαία – Η Ιστορία και οι πραλλαγές της κατά την Επανάσταση – Η σημασία και η καθιέρωσή της.΄΄  publié dans  la revue de l’Etat major de l’armée grecque « Στρατιωτική επιθεώρηση  » de septembre et octobre 2003 disponible sur le site internet de l’armée grecque : http://www.army.gr/files/File/epitheorisi/200305_Η%20ΕΛΛΗΝΙΚΗ%20ΣΗΜΑΙΑ.pdf (pages 34 et s.).

Textes : P.L.

 

 

Note 1 :

Le mot « Révolution » viendrait, entre autres, du fait qu’au début, les Grecs ne songeaient pas à détruire l’Empire ottoman, mais à le réformer sur des bases plus justes inspirées de la philosophie des Lumières, et fondées sur l’égalité entre ses sujets, sans distinction d’appartenance ethnique ni religieuse. Un idéal notamment représenté par le projet de constitution de la République hellénique de Rigas Féréos (lui-même proposait un drapeau affichant la massue d’Héraclès et trois croix, outre les couleurs rouge, blanche et noire, on peut en voir une ébauche sur son projet manuscrit de constitution disponible sur le site du parlement grec http://www.hellenicparliament.gr/UserFiles/f3c70a23-7696-49db-9148-f24dce6a27c8/syn01.pdf)

En effet à cette époque, les populations chrétiennes de l’Empire étaient qualifiées par les Ottomans de « rayas » (« troupeau », terme qui désignait à l’origine tous les paysans sans distinction de religion, et qui semble avoir ensuite désigné plus spécifiquement les Chrétiens comme l’attestent  entre autres, certains dictionnaires ottoman-français du 19ème siècle).

Elles étaient astreintes, sur leur propre terre ancestrale, à un statut particulier de communauté tolérée moyennant paiement au Sultan d’une taxe spécifique et soumission, équivalent du statut controversé des « dhimmis » dans le monde arabe (en turc « Zhimmi »)  en application de la loi islamique. Avec, dans l’Empire ottoman, des variantes en fonction des périodes et des régions plus ou moins contrôlées par le pouvoir central, et plus ou moins soumises à l’arbitraire de pachas locaux. Nombreux étaient ceux qui se convertissaient à l’Islam et rejoignaient la communauté ethno-religieuse des Turco-musulmans, notamment pour échapper à ce statut. Les populations chrétiennes  conservaient leur identité et leur cohésion, mais sur la longue durée, le bilan « avant/après » montre qu’à quelques exceptions près, leur importance numérique ne cessa de décroître en proportion de la population totale (voir l’évolution de la proportion entre grécophones et/ou chrétiens d’une part, et turcophones et/ou musulmans d’autre part dans la population anatolienne entre les 12e et 19e siècles).

Le projet d’émancipation collective de Rigas Féréos ne rencontra pas d’écho favorable auprès des élites issues des autres peuples de l’Empire.

Note 2 :

« Selon certains chercheurs, la « révolution grecque » avait aussi une dimension sociale, qui n’a jamais été menée jusqu’au bout. » : voir par exemple la remise en cause du pouvoir des « kodjabashis ». Ces notables chrétiens au service des Ottomans, imitant le style et l’habillement des notables ottomans, étaient chargés  dans certaines régions, pour le compte du Sultan, de la collecte des impôts auprès des populations chrétiennes. Souvent haïs par les populations de basse condition sociale, leur pouvoir évoluait parfois, vers une sorte de féodalité de fait, sur une base héréditaire.

REMONTER 

Relectures / corrections :  2015 & 2020

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