
Au Kalostrape (Petit Bayonne). Harmonium indien et bouzouki grec avec Txomin et Niko.

Pas de doute, c’est du grec…

Ambiance. Chants en grec et impros en basque, au son du bouzouki. Ils sont fous ces Basques.

A la darbouka, Xan. Au chant, Christine et les autres.
Ce soir-là, Bayonne s’écrivait Μπαγιόν.
Il était tard, sur l’Adour.
Aux pieds du pont, quatre Crétois mélancoliques,
régénéraient nos oreilles.
Ne viens pas partager ta tristesse.
Puisque tu fais commerce de ton âme, donne moi
l’énergie de ta transe crétoise.
Enfin la lyre devenue folle, la danse de vie,
les pieds qui
cognent l’estrade même quand le son s’arrête,
donne moi ces notes qui viendront emporter
ce que je veux laisser partir.
Excuse-moi, Crétois, de te demander encore,
ce qu’on attend toujours de toi.
Mais toi seul sais.
Tac, tacatacatacatac, Tac.
Ce fut chose faite quand dans un recoin nous
entendîmes l’homme au chapeau, parler grec dans le public.
Milas Ellinikà ?
Venez avec nous au bar basque, nous jouons du Rébétiko.
Il était tard, sur l’Adour.
Mais comment refuser une gentille invitation.
Et qui sont-ils, ces gens qui prétendent avoir l’âme un peu grecque ?
Acceptons.
Au petit Bayonne, dans ce bar, on n’entendait parler que l’Euskara.
Niko vint là, avec son Bouzouki. Txomin avec son harmonium indien.
Christine, son carnet de chansons, en caractères grecs.
Leur amie avec son sourire, Xan sa percussion, et l’homme au chapeau noir, avec lui-même.
C’était le chef d’orchestre, l’agent, le conteur.
Ils jouaient de la musique, du chant et lui se jouait des mots.
Quand Niko fit son taximi on se regarda.
On comprit qu’on ne se moquait pas de nous.
Txomin activé à son soufflet d’une main, à son clavier d’une autre.
D’un sourire tranquille et d’un rythme assuré, la Darbouka de Xan continue
d’ameuter du monde.
Christine chante, on se croirait dans un café égéen.
Et pourtant. C’était grec mais c’était basque.
Et ce n’était pas triste.
Prête-moi ton bouzouki, Niko, que je joue quelques notes cassées moi qui ne sais pas jouer.
Voici Txomin qui se lève, se plie en deux, balaie l’air de ses bras.
On ne rêve pas.
Reprends ton instrument, l’ami.
Ton son gréco-basque est nôtre, et il est autre.
Vous ne savez pas avoir l’air vraiment sombres.
C’est votre pudeur, et votre grandeur.
Rébètes enthousiastes, simples comme ce coin de terre pyrénéenne.
Fluide et claire, votre vitalité baptise
les sons trop graves de l’Orient.
Le jeu de nos amis provoque une noctambule.
Elle vient joindre ses « Jotas » au trois-cordes de Niko.
Encouragée par notre chef d’orchestre.
Navarre, Labourd et utopie grecque.
A la frontière de quelque chose.
Où tout est exactement comme cela doit être.
Il est temps de partir, nous avons de la route à faire.
En Béarn, on ne nous croira pas.
C’est ainsi que sur les bords de l’Adour, un concert de musique crétoise* enregistré, sauf erreur, par Radio France* se transforma en soirée gréco-basque.
Errebetiko nous offrait ses fulgurances nocturnes.
Il en reste encore une trace chez ceux qui étaient là.
C’était il y a déjà quelques temps.
On apprend qu’ils existent toujours.
De source sûre, cette petite bande hétéroclite devrait se manifester prochainement au grand jour, dans une composition légèrement différente. Espérons-le ! Avec cette façon à eux de faire du Rébétiko.
Un élan vital insufflé même au coeur des chansons noires.
Le mélange avec les voix basques du public, totalement improvisées, détonnait.
Loin des interprétations larmoyantes trop « premier degré » qui abondent ces dernières années. Qu’ils ne changent rien, surtout.
Le Rébétiko est plus fort quand il prend du recul sur la mélancolie à laquelle il est tant associé.
Et cela, nos compères basques savent le faire mieux que quiconque.
En attendant qu’Errebetiko ne se dévoile, sachez que deux de nos amis forment le groupe Frikun.
Patientez, donc. Et profitez !
A noter dans l’album de Frikun, le clin d’oeil grec du titre « Siga siga emeki poliki » (« siga », « doucement » en grec – « emeki » en basque) : https://frikun.bandcamp.com/track/siga-siga-emeki-poliki
Panayiotis Lipsos
Petit lexique maison :
– Rébétiko : style musical des Grecs des deux rives de la mer Egée (voir Rébétiko, la mauvaise herbe sur philiki.org https://philiki.org/2013/07/22/rebetiko-la-mauvaise-herbe-2/)
– Bertsu : chant d’improvisation basque.
– Euskara : langue basque.
– Jota : danse et chant traditionnels de certaines régions d’Espagne, que l’on retrouve dans certaines régions bascophones (Navarre).
– Taximi : en musique grecque et orientale, petit morceau instrumental, autonome ou intégré dans une chanson, souvent en introduction d’un plus grand morceau (définition maison).
– Trois-cordes : l’une des deux versions du bouzouki grec, à trois doubles cordes (l’autre est à quatre doubles cordes).
* Sur la soirée crétoise qui précéda ce mémorable concert et le quatuor de Stélios Pétrakis : https://philiki.org/2015/10/12/concert-de-musique-cretoise-a-bayonne-le-vendredi-16-octobre-2015/

Les Crétois de Stélios Pétrakis se produisaient ce soir-là à Bayonne dans le cadre du festival HAIZEBEGI. Luth, lyre et danse.
Bonjour,
A quand une soirée béarno-crétoise ?
Filikadishat !
Jean-Pierre
Si Errebetiko s’officialise ça devrait être possible d’avoir une soirée béarno-néo-rébétique.
Ce qui serait déjà pas mal 😉
Filikadishat !
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