
Deux chansons en grec du Salento. Elles sont extraites du recueil « Chansons et contes populaires de la Calabre » d’Emile Legrand mais viennent en fait des Pouilles. – un clic pour agrandir

La traduction d’Emile Legrand. « Chansons et contes populaires de la Calabre », Paris, 1870 – un clic pour agrandir.
En 1870, l’helléniste Emile Legrand faisait paraître un recueil intitulé « Chansons et contes populaires de la Calabre » – grâce à Giuseppe De Pascalis nous nous sommes rendus compte que le titre était trompeur, car les chansons qui y sont présentées sont en dialecte grec des Pouilles.
Ces chansons sont écrites avec l’alphabet latin – elles sont désormais disponibles sur Internet et téléchargeables via google books (libres de droits). Pour l’origine précise de ces chants, village par village, voir « Studi sui dialetti greci della terra d’Otranto » de Giuseppe Morosi.
En ce début de 21ème siècle, deux dialectes grecs subsistent encore de façon très minoritaire dans le sud de l’Italie – une grammaire de ces dialectes est disponible sur le site Greco Sud Italia.
Au fil du temps ces deux dialectes ont été très influencés par l’italien et sont malheureusement en voie de disparition.
Mais certains semblent déterminés à conserver la flamme.
En Calabre, c’est dans la province de Reggio qu’on peut encore entendre quelques locuteurs du gréco-calabrais, ou Grécanico, qui était parlé dans tout le sud de cette région jusqu’aux 15ème-16ème siècle – voir www.grecanica.com, www.grecanica.it, www.galareagrecanica.it. Une étude précise de ce dialecte a été publiée dès 1880 en italien (« Il dialetto greco-calabro di Bova », Astorre Pellegrini, éd. Ermanno Loescher, 1880 – libre de droits cet ouvrage est trouvable sur internet).
Dans les Pouilles, c’est au sud, dans le talon de la botte italienne, que quelques habitants parlent encore le « Griko », dans la province de Lecce, dans onze villages du Salento. Dont le village de Calimera – « Καλημέρα », « Bonjour ».
Ces villages se sont regroupés au sein d’une communauté de communes sous le nom de « Grecia Salentina », et semblent pouvoir compter sur l’engagement de militants très actifs, y compris sur Internet (voir le site de la communauté de communes www.greciasalentina.gov.it, et les sites grikamilume.blogspot.fr, www.e-griko.eu, www.glossagrika.it, « la lingua grika di Sternatia », www.enosi-griko.org). Nombre de ces militants semblent estimer que parler de dialecte est minoratif et préférer les termes « langue grecque » à ceux de « dialecte grec ».
L’association « Grika Milume » (« Nous parlons grec ») publie un périodique intitulé « i spitta » (« l’étincelle, en grec standard « i spitha » « η σπίθα »).
Un texte en Griko du Salento (« e » se prononce « é », « su » se prononce « sou » et « ce » se prononce grosse modo « djé ») et sa traduction en substance – d’après le site Rize Grike :
– Isela na su pò – Je voulais te dire
(en grec standard « Ithela na sou po » « ΄Ηθελα να σου πω »).
ìsela na su pò ce e’ mmu bastèi – Je voulais te dire et je n’en suis pas capable
na pài n’is pì tti mana-su – d’aller dire à ta mère
na pài n’is pì tti mana-su na se rmasi – d’aller dire à ta mère de te marier
Le mot qui signifie « et » (« kai », « και ») s’écrit « ce » et se prononce « djé » en grec du Salento, ce qui rappelle le grec crétois ou le grec chypriote.
La poésie populaire en dialecte grec du sud de l’Italie continue d’intéresser les passionnés et les chercheurs (pour une étude récente : « Il dialetto greco salentino nelle poesie locali: testi, note grammaticali – Vocabolario etimologico » de Stephanos Lambrinos Amaltea edizioni, Le Castrignano dei Greci, 2001).
Les hellénophones reconnaîtront également des titres en grec parmi les morceaux du groupe Canzoniere Grecanico Salentino – comme « E chorà tu anemu », « le pays du vent » ou la chanson « itela », « je voulais », dans l’album Pizzica Indiavolatta. Ou du groupe Arakne Mediterranea (« Sto corafaci-su »). Un groupe de Grecs de Grèce, « Encardia » se consacre également aux traditions musicales du Salento.

Le groupe Canzoniere Grekaniko Salentino compte plusieurs chansons en dialecte grec du Salento dans son répertoire.
Certains se demandent si ces grécophones sont des descendants des Grecs installés en Italie du Sud dans l’antiquité, bâtisseurs de la « Grande Grèce », ou à l’époque de l’Empire romain d’orient (« Empire byzantin »), ou encore s’ils sont venus au Moyen Age, fuyant la conquête ottomane, ou tout cela à la fois.
En 1935, l’écrivain et poète Domenicano Tondi, originaire du Salento, écrivait: «(…) depuis trois mille ans nous sommes en Italie… nous parlons grec, pas parce que nous sommes des étrangers, mais parce que nous sommes les habitants les plus anciens du lieu. » (Domenicano Tondi, « Glossa. La lingua greca del Salento », Ed. Cretesi, Noci 1935).
Merci à Giuseppe De Pascalis pour son aide précieuse
Panayiotis Lipsos
Merci d’enrichir ainsi Philiki avec des contributions aussi variées . A quand une rencontre poétique, musicale ou culinaire sur Pau ?
Φιλικά
Jean-Pierre