
LOGICOMIX. La couverture de la dernière édition grecque. Avec l’autorisation d’Apostolos Doxiadis et des éditions Ikaros – un clic pour agrandir.
Au premier abord LOGICOMIX est une énigme.
Comment un « roman graphique » grec sur la quête des fondements en mathématiques entre la fin du 19ème siècle et le milieu du 20ème siècle, a-t-il pu être traduit en quinze langues dont le français, et se vendre à des centaines de milliers d’exemplaires à travers le monde?
Le lecteur peut être réservé à l’idée d’ouvrir une BD sur la logique mathématique.
Il est cependant vite amené au cœur du sujet par un récit très fluide et bien documenté.
Dès les premières cases, on comprend donc les ingrédients du succès.
Couleurs vives et ligne claire, découpage qui passe parfaitement d’une époque à l’autre. Le dessin d’Alecos Papadatos est simple, soigné, détaillé et concourt largement à rendre abordable ce qui aurait pu devenir austère. La couleur est l’œuvre de la française Annie di Donna.
Le concept et le récit sont signés par l’écrivain, romancier, auteur de théâtre et ancien réalisateur Apostolos Doxiadis. Il est aussi l’initiateur du projet. On lui doit le scénario. Né en Australie, il vit en Grèce après des études à New York et Paris. Il s’était déjà fait connaître en France pour un roman traduit dans la langue de Molière, « Oncle Petros et la conjecture de Goldbach ». Christos Papadimitriou, co-auteur du récit, est professeur et chercheur en informatique théorique à Berkeley, en Californie. Pas étonnant qu’ils aient su s’adapter à un lectorat international.

Les auteurs de LOGICOMIX se sont largement mis en scène pour amener le lecteur au coeur du récit. Ici, Apostolos Doxiadis. LOGICOMIX. Extrait de l’édition grecque – un clic pour agrandir.

Barbe et cheveux longs. Voici Chistos Papadimitriou. Dès le début on nous explique ce qu’est, ou ce que n’est pas, LOGICOMIX. Extrait de l’édition grecque – un clic pour agrandir.
Rien d’abscon.
L’oeuvre est centrée sur Bertrand Russel et son obsession: le refus des postulats, le refus de tout ce qui n’est pas démontré, l’obsession de trouver la source, les fondements logiques de la vérité mathématique et partant, de la vérité scientifique. La seule à même de combler sa profonde angoisse existentielle.
Après une enfance anglaise, la vie personnelle et l’évolution intellectuelle de ce « logicien » britannique formé aux humanités classiques, aux mathématiques et à la philosophie est égrainée de la fin du 19ème siècle à la première moitié du 20ème.
Elle sert de toile de fond à un parcours initiatique dont l’autre personnage principal est la logique elle-même: quels sont ses fondements, existe-t-elle, comment l’atteindre, à quoi sert-elle, quelles sont ses limites ? « La certitude logique dans le rôle d’Ithaque », lit-on. Pas très sexy ? Tout le génie de LOGICOMIX est justement de parvenir à tenir le lecteur en haleine avec une telle problématique.
Les auteurs revendiquent une part de fiction qui croise la vraie histoire, celle de l’Europe, l’exposition universelle de 1900, les deux guerres mondiales, et celle de ces autres chercheurs passionnés et parfois fous, des écoles de pensées et des concepts : Moore, Alfred Whitehead, Ludwig Wittgenstein, Gottleb Frege, Cantor, Godel, le Cercle de Vienne, Boole, le labyrinthe de Hampton, la géométrie non euclidienne, la théorie des ensembles, la théorie des types, les Problèmes de Hilbert…
Tout cela est étranger à la plupart d’entre nous mais n’ayez crainte : les auteurs de LOGICOMIX sont là sous forme de personnages intégrés au récit, dévoilant leur propre cheminement et guidant le lecteur pour le cas où Bertrand Russel oublierait qu’il s’adresse au profane.
Ils jouent un peu le rôle du choeur dans les pièces de théâtre antiques et sont mis en scène dans l’Athènes d’aujourd’hui, ce qui permet d’ailleurs de découvrir certains aspects de la ville.

Avec son terrible accent autrichien (savoureux en grec), Ludwig Wittgenstein se fait fort de démontrer à Bertrand Russel que son travail de plusieurs décennies n’est que fadaises. Le drame. LOGICOMIX. Extrait de l’édition grecque – un clic pour agrandir.
Le lecteur se surprend vite à se poser la question : Russel et les autres chercheurs parviendront-ils à trouver la source de toute certitude? La BD se lit d’une traite, comme on lit un polar pour trouver l’assassin…

Il fallait bien que le drame antique s’en mêle. Dans l’Orestie d’Eschyle, Athéna déesse de la sagesse est sollicitée par les mortels pour juger l’un d’entre eux. Elle préfère leur donner la liberté, et donc la responsabilité, de juger par eux-mêmes, et annonce qu’elle ne se prononcera qu’en cas d’égalité des voix. Elle agit ensuite dans le sens de la concorde. Tout le génie de la sagesse antique. LOGICOMIX. Extrait de l’édition grecque – un clic pour agrandir.
Un thème récurrent la traverse: «la logique fille de la folie». Par delà les mathématiques, un petit détour par la philosophie aboutit à une subtile leçon de vie qu’on ne dévoilera pas. Outre son intérêt théorique, cette épopée conceptuelle aurait débouché sur les prémices de l’informatique. Mais elle est d’abord une histoire d’engagement personnel. Une succession de vies qui ont délaissé la leur pour se consacrer à la recherche.
En usant de logique, une seule conclusion s’impose : courez vous procurer l’édition française de LOGICOMIX. Votre cerveau vous dira merci, pour la gymnastique.
Tous nos remerciements à Apostolos Doxiadis pour nous avoir autorisé à diffuser la couverture ainsi que plusieurs planches de la dernière édition grecque de LOGICOMIX ; ainsi qu’à Katérina Karydi des éditions Ikaros pour l’envoi des planches.
A voir aussi:
Le site de LOGICOMIX.
Le « making of » de LOGICOMIX, sur la chaîne Youtube d’Apostolos Doxiadis.
La page Facebook de LOGICOMIX.
La page Facebook des BD grecques présentées sur philiki.org : https://www.facebook.com/bdgrecque
LOGICOMIX (version française)
352 pages
Editeur : VUIBERT (17 mai 2010)
ISBN-10: 2711743519
ISBN-13: 978-2711743513
PL
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